Politique

Gabon : Bilie-By-Nze défie la Cour des compte

Un duel institutionnel inédit s’ouvre au sommet de l’État gabonais. La Cour des comptes a sommé l’ancien Premier ministre Alain-Claude Bilie-By-Nze de produire ses comptes de campagne pour la présidentielle de 2025. Mais ce dernier a opposé une fin de non-recevoir cinglante, en contestant la légalité même de la procédure. Une affaire d’apparence technique, qui révèle en réalité une confrontation politique et constitutionnelle à haute tension, sur fond de recomposition post-transition.

À l’origine de cette controverse, un procès-verbal de notification daté du 16 juillet 2025. Le document, émanant de la Cour des comptes et signé par sa greffière en chef, exige de Bilie-By-Nze qu’il transmette sous huit jours ses comptes de campagne, sous peine d’une décision « à titre définitif » rendue en pleine juridiction. La Cour invoque à cet effet l’article 141 de sa loi organique de 1994, combiné aux articles 371 et 373 du nouveau Code électoral adopté en 2025.

Mais cette initiative, juridiquement audacieuse, survient dans un contexte délicat : celui d’un Gabon qui tente de stabiliser ses institutions après la transition politique. La démarche, bien qu’ancrée dans des textes légaux récents, soulève donc immédiatement des interrogations sur son opportunité et sa portée constitutionnelle.

Une réplique ciselée et offensive

Dans un mémoire transmis le 22 juillet, Alain-Claude Bilie-By-Nze ne se contente pas de décliner la demande : il en conteste la légitimité même. L’ancien chef du gouvernement dénonce une violation manifeste de la Constitution, en particulier de son article 133, qui circonscrit les compétences de la Cour des comptes au contrôle des finances publiques, ce qui, selon lui, exclut explicitement les dépenses électorales, considérées comme des fonds privés.

« Les présentes observations se fondent sur une exception d’inconstitutionnalité », écrit-il, tout en demandant le renvoi de la question à la Cour constitutionnelle. Il évoque un conflit de normes, et dénonce une tentative d’élargissement abusif des pouvoirs de la Cour, sans fondement organique ni constitutionnel.

Loin de n’être qu’une querelle de procédures, cette passe d’armes met en lumière une lutte d’influence plus profonde. D’un côté, une juridiction financière qui cherche à étendre son champ d’action à la moralisation de la vie politique. De l’autre, une figure politique majeure qui refuse d’être placée sous un contrôle qu’il estime illégal.

Bilie-By-Nze ne semble pas seulement vouloir protéger sa personne : il entend défendre un principe. Celui de la séparation des pouvoirs, du respect strict des compétences fixées par la Constitution, et du refus de voir naître une jurisprudence hasardeuse qui brouillerait les lignes entre le judiciaire, le politique et l’administratif.

Un précédent en gestation

Cette affaire pourrait faire date. Non seulement elle pourrait conduire la Cour constitutionnelle à trancher sur l’étendue exacte des pouvoirs de la Cour des comptes dans un contexte électoral, mais elle questionne aussi l’équilibre des institutions dans un Gabon en pleine redéfinition républicaine.

Si la Cour des comptes venait à obtenir gain de cause, elle s’imposerait comme un acteur de poids dans la régulation de la vie politique. Dans le cas contraire, le rappel aux fondamentaux constitutionnels opéré par Bilie-By-Nze pourrait freiner certaines ambitions jurisprudentielles, mais aussi donner des arguments à d’autres personnalités soucieuses de limiter les intrusions dans leur gestion politique.

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